11 Septembre 2001. Je n'oublierai jamais ce jour. J'étais dans ma classe, je recevais des parents quand ma collègue a surgi pour m'annoncer la chute des tours. Bien sûr je n'y ai pas cru.
Après, j'ai fait comme tout le monde. J'ai regardé la télévision. Je ne savais pas que je vivais la fin de beaucoup de choses. Je pressentais que cet événement allait avoir des conséquences pour le monde, mais je ne savais pas qu'elle allait détruire le mien.
Depuis ce jour là, la vie a changé pour moi. Ce n'est pas seulement ma vision qui en a changé, mais sans doute la plupart des gens ont changé ce jour là sans s'en rendre compte, ou quelque chose en eux est venu au jour.
Les heures suivantes, beaucoup de gens les ont oubliés. Pas moi. La sensation de total parano. Le regard de beaucoup de gens changeaient. Leur regard sur les Juifs, et la juive que j'étais. Je n'avais jamais connu ça avant. Etre coupable de quelque chose sans qu'on sache très bien quoi, et sans avoir rien fait. Même plus tard, quand on a su que ce n'étaient pas les Palestiniens. On a reparlé des juifs. Des amis ont été insultés, des enfants d'amis ont été agressés. Mais ce qui était pire, c'étaient les commentaires : "oui, tu comprends, avec tout ce qui se passe en Israël". J'ai compris de l'intérieur les sentiments des générations précédentes. J'ai compris que le plus jamais ça ça n'existe pas. J'ai compris que tout pouvait recommencer.
Quelque chose de la confiance dans le monde s'est rompu, qui n'est pas revenu. Bien sûr, le temps a passé. Mais je n'ai pas oublié. Il y a quelque chose de la vigilance qui veille toujours au fond de moi.
Certains autour de moi ne s'en sont pas remis. Touchés, aigris. Pire, contaminés. Ils sont devenus injustes, amers, et ont perdu peu à peu leurs repères moraux. tout devenait possible. D'eux j'ai été victime aussi. Le mal partout tapi dans l'ombre, je n'y croyais pas et il a surgi.
Pourtant, le monde est toujours éclairé, il va toujours comme il peut. On dit qu'il repose sur une poignée de Justes. J'en connais quelques uns, et cela suffit pour me donner courage en l'avenir. J'ai bravé la tempête et je tiens la route. Dans l'oeil de cyclone ?
6 commentaires:
mes propos vont paraitre brutaux, parce que brefs: le monde ancien est mort à Auschwitz, puis à Hiroshima. Les tours, à côté, c'est de l'artisanat...
Je me suis peut-être mal fait comprendre.
Je n'ai pas comparé Auschwitz au 11 Septembre.
Il me semble ne pas encore être trop ravagée par les mites à fromage pour dire pareille anerie...
Ce que j'ai simplement voulu dire c'est que je n'ai pas vécu Auschwitz ou Hiroshima, mais vu suffisamment de rescapés et de documentaires pour penser que justement, après ces événements là, le monde ne retomberait pas dans de telles extrémités.
Le 11 Septembre, je l'ai vécu pour de bon. C'est un événement horrible, et pas vraiment artisanal.
Pour moi, comme pour Adler dont j'ai emprunté le titre, il permet simplement de réaliser in vivo que Auschwitz et Hiroshima peuvent recommencer EXACTEMENT DE LA MEME FACON, en "mieux" même grace aux possibilités contemporaines, et que cela pouvait apparaître concevable aux gens que je cotoyaient tous les jours. C'est cette prise de conscience qui m'a ébranlée. Pire que l'événement lui même, c'est ce qu'il est devenu dans la tête des gens aussitôt après, et comment il a révélé l'intérieur des consciences, non au Moyen Orient mais ICI dans ma ville.
J'ai perdu confiance dans ce que je croyais être les miens. Et vivre avec l'idée que tout peut recommencer pareil est sans doute nécessaire mais m'est extrèmement pénible.
C'est moi qui me suis mal fait comprendre (j'ai pas essayé je crois). Je comprends tout à fait ce que tu dis, et la nature de ton inquiétude. C'est le titre qui m'embétait (je ne savais pas qu'il était d'Adler, mais je n'aime pas beaucoup Adler donc ma réaction était cohérente :) ). J'ai voulu dire que ce monde ancien que tu dis voir mourir était déjà mort, à mon avis, bien avant le 11 septembre...
je n'avais jamais entendu parler de ces critiques plus ou moins explicites faites aux juifs à cette occasion. Je me souviens aussi de ce jour avec une grande précision, d'un copain peu fiable et crédible qui me racontait l'évènement et que je ne croyais pas du tout, puis de l'entassement dans la salle télé de louis-le-grand, en compagnie des internes tunisiens et marocains, qui espéraient encore que ce n'était pas des musulmans qui avaient fait ça.
A la suite de l'attentat du 11 septembre, l'on croyait que c'était un attentat palestinien. Par exemple, des journaux comme mon petit quotidien ont expliqué aux enfants qu'il y avait eu un attentat sur les tours "à cause de ce qui se passe en Israel". Dans les jours qui ont suivi, est né une dérive autour de la responsabilité des Israéliens, de fausses nouvelles comme quoi aucun juif ne serait mort dans les tours. Il y a eu alors une vague d'agressions antisémites en France, j'ai des proches qui ont été touchés. j'ai moi-même été violemment prise à parti à propos des événements en Afghanistan puis en Irak, comme si j'avais une responsabilité en tant que juive. Bien sûr, ces événements n'ont pas été au centre de l'actualité, mais ils ont beaucoup ébranlé "la communauté juive". Il y a eu notamment beaucoup de "micro-agressions", notamment dans ma petite communauté de Nice, et aussi sur des écoles juives en France. Une équipe de football enfantine a été ainsi violemment agressée, avec des blessés, des manifestants juifs également qui protestaient contre la guerre en Irak. C'était un retournement de situation qui m'a beaucoup affectée. J'ai eu aussi des conflits avec des amis proches qui ne comprenaient pas ma sensibilité.
effrayant!
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