Je ne compterai pas les larmes que j’ai versées sur cette chanson chaque fois que je l’entendais. Que ce soit par Léo Ferré, par Dalida très différente
. Elle me bouleversait.
L'autre qu'on adorait, qu'on cherchait sous la pluie
L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
Les chansons sont pour moi un élément essentiel de la vie, les échos
de mon âme, les signes du quotidien.
Celle-ci m’apparaissait insupportable, épouvantable (un lapsus m’a fait écrire éprouvantable) inacceptable.
Ces derniers mois, je ne voulais même pas l’écouter, je coupais l’autoradio.
Et puis je l’ai entendu par hasard, en entier, et je l’ai écoutée.
Un nouvel écho, un nouveau signe.
Je ne la trouve plus insupportable, épouvantable, inacceptable.
Elle est pleine d’enseignement, désabusée sûrement, mais très sage.
Elle est simplement apaisante.
Il y a simplement pour moi beaucoup de nostalgie à ne plus utiliser les mots des pauvres gens.
Avec le temps, va, tout va bien.
6 commentaires:
Les chansons, c'est la culture réelle des gens. Enseigner à un petit immigré une chanson française, que dans les familles françaises tout le monde connaît, c'est l'aider à s'intégrer dans une communauté. Ce n'est pas trop difficile et ça peut être (pour l'enfant) très utile. Mais quelquefois, ce que les professeurs enseignent, ce n'est plus la culture des gens. C'est la leur propre. Celle de leur caste. Ils ont le droit de le faire. Mais on a le droit alors de souligner qu'ils ne remplissent plus la même fonction. Et l'on est droit de se demander quelle fonction ils remplissent.
euh attention Christian... Je comprend (je crois comprendre) ce que tu veux dire, mais c'est quoi "les gens", et c'est quoi "une caste"? Les enseignants ne font pas partie des gens?
C'est avec ce genre d'arguments que Staline a muselé Chostakovitch, par exemple...
(et excuse-nous, Wolferina, on est un peu loin de ton (beau) propos...
Christian, je ne suis pas du tout, mais du tout d’accord avec ce que tu écris, (et je suis sûr d’ailleurs que ce n’est pas le vrai fond de ta pensée).
D’abord, y a t-il une culture réelle, et une culture réelle des gens ?
Peut-être voulais-tu dire une culture que l’école souvent rejette. Mais là aussi il faut de la nuance. Je me rappelle avoir eu une altercation violente en conférence pédagogique avec un conseiller qui prétendait qu’on pouvait utiliser « la danse des canards » à l’école parce que cela faisait partie de la culture de nos élèves ce à quoi, bien sûr, je me refuse absolument, et pourtant cela leur aurait servi à s’intégrer dans leur quartier certainement davantage qu’Avec le temps !
Ensuite je pense que tu tiens en trop haute estime le niveau de culture des profs et de culture de caste. J’ai dans ma pratique professionnelle l’occasion de former des gens de niveau bac+3 minimum, et je peux te dire que bien souvent ça ne vole pas haut ! il y a de sacrés gouffres dans la culture générale, et même chez les littéraires. J’aimerais bien un peu plus de culture de caste.
En fait, ce n’est pas d’enseignement de la culture que l’on a le plus besoin dans l’éducation nationale. C’est un problème de passion, et de passage. Beaucoup d’enseignants, peut-être parce qu’ils ne le vivent pas eux-mêmes, ne sentent pas que la culture est une question de vie ou de mort. Et même s’ils tentent de l’enseigner, ce n’est que du vernis de façade qu’ils assènent à grands coups de rouleau au lieu de le passer au tampon.
Ce doit être certainement une question de don. Pour enseigner, il faut être doué. Il faut être un passeur. Passer d’une culture à une autre avec envie, quel que soit le niveau de ce que l’on présente. Pleurer avec ses élèves sur la mort de Mélisande, rire aux éclats sur un gag de Laurel et Hardy. Vivre, tout simplement. Et pour cela il faut être doué. J’ai toujours pensé qu’au fond l’éducation nationale souffre d’un problème de recrutement : on ne cherche à recruter ni les plus motivés, ni les plus doués même dans un domaine pointu Dans le premier degré, ceux qui réussissent le concours ont eu des notes moyennes partout (les mauvaises notes sont éliminatoires) ; des résultats moyens, des dons moyens, une intelligence moyenne. Bien sûr ce n’est qu’une moyenne, et beaucoup se révèlent après coup, car la matière humaine de ces petits les touche, mais souvent à quel prix ! et ils ont si peu d’armes.
Nous nous souvenons tous de ces gens brillants que l’on a croisés au cours de nos scolarités. J’ai écrit un
texte en hommage à mon professeur de Français, mme Ranucci. Des profs qui nous faisaient vibrer sur Phèdre, ou sur l’élevage des paramécies. C’était pour eux une question de vie ou de mort, et ils nous entraînaient avec eux ; Heureusement qu’il en existe, c’est ainsi qu’on peut s’ouvrir à une autre culture de celle de son foyer, et sortir de la danse des canards...
La surprise et la rencontre est sur tous les chemins. Ainsi quand j’ai écrit ce texte Avec le temps, je ne me doutais pas que j’allais me plonger dans une querelle pédagogique. C’est l’aléa, et le plaisir de l’échange et de la rencontre. Il faudrait le retrouver en éducation.
Chers amis, En 1974, nous étions très à gauche et nous savions qu'il existait une culture dominante qui était celle de la bourgeoisie. Et, bon an mal an, nous essayions de dire qu'il existait aussi d'autres cultures qui avaient leur dignité et qui méritaient mieux que le dédain dans lequel les maintenait l'école. C'était, pour ceux de notre génération, le jazz, la BD, le roman policier, le cinéma, les musiques ethniques, etc... Aujourd'hui, la grande majorité de nos collègues sont toujours très à gauche, mais ne parlent plus jamais de culture de classe. Ils défendent la culture aristocrato-bourgeoise comme la seule qui vaillent, et ils veulent l'imposer à tous (la rendre obligatoire). Je n'ai rien contre Racine (que je préfère de beaucoup à Molière), j'adore entendre Claude Chabrol comparer les mérite de Corneille et Racine. Mais (1) je m'étonne qu'on ait oublié le jazz, le cinéma et Raymond Queneau, les chants des paysans siciliens ou berbères. (2) Je ne vois pas pourquoi Molière, Corneille et Racine seraient obligatoires pour tous (après tout la musique de Mozart ni celle de Miles Davis ne figurent encore au programme du bac, et personne ne s'en plaint).
Mais encore une fois, ma question est celle-ci: Comment se fait-il que les prof, gens de gauche, aient oublié de défendre la culture populaire et veuillent imposer aux pauvres la culture des riches?
Désolé Christian, je ne pense pas avoir jamais été très à gauche, et je n'ai jamais pensé qu'aimer Racine (que j'aime) ou Mozart (que je n'aime pas)était culturellement aristocrato-bourgeois et que c'était la culture des riches. Je ne le pense toujours pas, et il me semble que cette idée relève aussi d'une culture politique que je réfute car je la trouve stupide. J'ai pu remarquer que dans les mariages de grands bourgeois on danse sur la même musique débile que chez les prolos (pas de menuets ou de gavotte). Renaud et son idéologie à quatre sous s'est fait plus de tunes avec Manhattan-Kaboul que tous les chanteurs classiques, sauf ceux qui chantent du Luis Mariano...
Le débat n'avancera pas si on en reste à ces lieux communs.
Je me répète mais ce que l'on enseigne n'est pas très important face à comment on le fait passer. je pense que la plupart des enseignants arrivent aussi peu à faire passer du Racine qu'autre chose. Regarde un peu ce qu'est devenu entre les mains des éditeurs de manuels scolaire, les Trois Brigands de Solotaref. La même chose que le pire des manuels de lecture...
Ravie de vous retrouver en vos débats, messieurs-dame, que c'est donc stimulant !
Sans vouloir arbitrer en rien (en aurais-je les moyens ? Moi qui suis issue de milieu populaire, mais éduquée - et, pour mieux dire, "élevée", et je pèse le mot, par des parents enseignants, dont une mère au moins qui avait trouvé là SON moyen d'élèvation sociale et intellectuelle, mais humaine aussi... ) - sans vouloir compter des points, donc, je dirais que je penche dans le sens de Melissa : à mon avis, le mot le plus important de son argumentation est "passage".
Je ne me retrouve pas vraiment dans le fait de dresser des cloisons étanches entre culture populaire - je préfère penser "culture domestique" et culture scolaire, soit disant dictée par des impératifs, idéaux ou modèles "aristocratico-bourgeaois". Je pense en effet que la culture devrait se concevoir comme ce qui vient nourrir une individualité, pour lui permettre de se porter à la rencontre du monde, de s'ouvrir à la diversité DES cultures qui le caractérise, d'y inscrire et d'y penser une place qui soit sienne, mais dans un mouvement d'acculturation, qui ne l'amène ni à renier celle dont il vient, ni à se défier de celles que la réalité, dans sa complexité, lui propose.
Et il en va de la culture comme de la langue : la vraie richesse n'est pas de pouvoir s'exprimer en alexandrins classiques avec acrostiches au bon endroit, ni de se contenter d'une revendication identitaire à coup de slogans qui fleurent bon leur banlieue ghétoïsée (en quelque sorte, Racine ou le rap - sinon rien).
La culture me semble devoir me permettre, au contraire, d'ajouter aux mots simples - et très "peuples", pour le coup - de ma grand-mère, qui valaient leur pesant de tendresse pourtant, le plaisir d'une langue écrite, construite, recherchée. C'est de pouvoir multiplier les niveaux de langue, dans ma fréquentation comme dans ma pratique. C'est de pouvoir mêler les deux dans des textes un peu débridés que j'écris et qui cherchent à inventer une nouvelle sensibilité : la mienne. Ce qui encore n'exclut pas que je puisse être tentée (péché d'orgueil ?) de m'y faire comprendre autant des miens que des érudits de rencontre, ceux-là même qui ont "fait de grandes études". Comme l'on disait chez mes grands-parents maternels.
Je pourrais me borner à penser celà, à l'élaborer intellectuellement, à ergoter en quelque sorte : mais je l'ai aussi éprouvé dans ma pratique de bibliothécaire pour la jeunesse. L'on peut en effet souhaiter "apporter" aux jeunes lecteurs, dans les bibliothèques publiques, la "bonne parole", la langue livresque, dans ce qu'elle a de meilleur, et même, et aussi, de "classique", dans ses oeuvres les mieux reconnues pour leurs qualités de forme comme de fond. Cependant, on l'aura fait en vain si l'on se contente de plaquer cette culture-là, ces références-là, sur les compétences souvent assez indistinctes - dans ce contexte j'entends - de l'enfant. On ne peut réèllement y réussir, c'est à dire parvenir à ce qui serait une vraie greffe, un nourrissement réciproque d'une culture par l'autre, que si l'on prend pour point de départ la réalité culturellle de l'enfant que l'on rencontre. Autrement dit, il s'agit d'établir des passerelles, d'ouvrir des passages, de suggerer des échanges, entre ce qu'il possède déjà, là d'où il vient, et ce que l'on propose - là où l'on offre de le mener, jusqu'au moment du moins où le jeune lecteur aura été suffisamment guidé pour souhaiter s'engager dans un cheminement autonome.
Mais il me semble que la chance des professionnels de la lecture publique, leur avantage sur les enseignants, dans la poursuite de cet objectif, c'est de procéder à l'abri de l'obligation de résultat, hors du carcan des programmes, et sans l'assujetissement lié au caractère obligatoire de la scolarité. En lecture publique la passion non seulement n'est pas suspecte, mais elle est souvent reconnue - et revendiquée - comme un excellent moteur de la médiation.
Médiateur culturel : voici un statut dont, peut-être, l'école aurait profit à s'inspirer... La médiation visant, par définition, à réunir, à relier, et non à étiquetter, classer, cloisonner, séparer. Sans compter que le médiateur se propose essentiellement de donner à désirer. Et qu'il n'est presque jamais amené à "sanctionner" des acquis. Quoique l'enseignant le soit, quant à lui, je ne vois pas ce qui, intrinsèquement, peut l'obliger à renoncer à donner envie.
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