5.6.06

J'ai repris la lecture de Trois chevaux que j'avais interrompue et la serenpidité m'y a rejointe.
Voici ce qu'écrit De Luca :

"Puis un été, je rencontre Dvora.
Il y a des créatures destinées aux autres qui n'arrivent jamais à se rencontrer et qui se résignent à aimer une autre personne pour racommoder l'absence. Elles sont sages.
Moi, à ving ans, j'ignore les étreintes et je décide d'attendre. J'attends la créature qui m'est attribuée. Je suis attentif, j'apprends à parcourir en un instant les visages d'une foule. certaines méthodes enseignent la lecture rapide des livres, moi j'apprends à lire une foule au vol.
Je la passe au crible, je la rejette toute entière, pas un grain de ces visages ne reste sur ma rétine. je sais toujours qu'elle n'y est pas, celle qui m'est attribuée.
je n'ai aucun portrait en tête à coller sur un visage, non , l'attribution ne dépend pas des yeux, même si je ne sais pas de quoi elle dépend. J'attends de la rencontrer pour en connaître la forme.
Attendre. C'est mon verbe à vingt ans, un infinitif sec sans trace d'angoisse, sans bavure d'espérance. J'attends à vide.
Je rencontre Dvora en montagne.
....
Dvora crie son salut, plus limpide que l'air du midi : "olé". Sa voix me saisit de dos et je la reconnaîs, c'est elle, celle qui m'est attribuée., je le sais aussitôt et j'ai l'impression de savoir depuis toujours que ce n'est pas un visage, mais une voix que j'attends.
...
Nous arrivons au refuge, elle n'y est pas...Je reste assis, le dos contre la porte, car j'attends la voix.
Et elle arrive. Voilà Dvora, je sens des abeilles dans mon sang, un ours dans mon cœur, chaque battement est une patte qui démolit la ruche.
Elle me donne sa main et moi je sais que je ne la lui rendrai plus."

Fond noir ? Fond blanc ?

J'ai connu cet instant, il y a longtemps. Il y a trente ans et six mois.
J'y ai cru. Ai-je eu raison ? L'histoire a duré vingt neuf ans et six mois.
Mais je ne suis pas tombée d'un hélicoptère comme la Dvora sans h de l'histoire.
Même si je me ressens comme si cela m'était arrivée.

M'étais-je trompée de voix-e ? Peut-on deux fois être promise ?

Fond noir, fond blanc ?

Serais-je plus courageuse que resh Lakish ?

Peut-être en saurai-je plus long dans quelque temps, je n'ai pas encore fini "trois chevaux".

De Luca y dit ensuite :
"Je ne crois pas aux écrivains, mais à leurs histoires, c'est ce que je réponds à un marin criblé de taches de rousseur qui me demande si j'ai foi en Dieu."

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